Stavisky : Le miroir trouble d’une époque
Un film, une énigme : qui était vraiment Stavisky ?
Imaginez un homme à la fois charmeur, flamboyant, manipulateur et insaisissable. Serge Alexandre Stavisky, surnommé “le beau Sacha”, a fasciné la France des années 1930 par ses escroqueries spectaculaires et ses liens troubles avec le pouvoir. En 1974, Alain Resnais porte à l’écran ce personnage hors du commun dans un film qui interroge autant qu’il captive.
Synopsis : l’ascension et la chute d’un illusionniste
Le film suit Stavisky, incarné par Jean-Paul Belmondo, dans sa course effrénée vers la réussite et la reconnaissance. Propriétaire de théâtres, de journaux, d’entreprises, il séduit le tout-Paris, multiplie les affaires et s’entoure de personnalités influentes. Mais derrière le faste, la réalité est plus sombre : Stavisky bâtit son empire sur des fraudes financières, notamment l’affaire des “bons de Bayonne”, qui précipitera sa chute et provoquera une crise politique majeure.
Un portrait plus humain que judiciaire
Plutôt que de livrer une enquête froide, Alain Resnais choisit de dresser le portrait d’un homme complexe, oscillant entre panache et désespoir. Le film s’attarde sur ses failles, ses obsessions, sa quête d’amour et de reconnaissance, tout en laissant planer le mystère sur ses véritables intentions. Stavisky n’est ni totalement coupable, ni totalement innocent : il incarne l’ambiguïté d’une époque où tout semblait possible, même l’impossible. Alain Resnais et Jorge Semprún ont explicitement déclaré ne pas avoir voulu réaliser un film historique ou un biopic traditionnel. Ils ont affirmé vouloir tourner un « documentaire sur l’imaginaire » et non « faire œuvre d’historiens », ce qui est confirmé dans de nombreux entretiens et analyses du film.
Un contexte historique brûlant
Stavisky, c’est aussi le reflet d’une France en crise : montée du chômage, scandales financiers, défiance envers les institutions, montée des extrêmes. Le film évoque en toile de fond l’exil de Trotski, la montée du fascisme, l’antisémitisme, et la fragilité de la démocratie. La mort suspecte de Stavisky, retrouvée dans un chalet à Chamonix, symbolise la fin d’une illusion collective et le début d’une ère de doutes.
Pourquoi ce film interpelle-t-il encore aujourd’hui ?
Parce qu’il questionne la frontière entre mythe et réalité : Qui était vraiment Stavisky ? Un escroc ou un visionnaire ? Un bouc émissaire ou le symptôme d’un système corrompu ?
Parce qu’il met en scène la fascination du pouvoir et de l’argent : Jusqu’où peut-on aller pour réussir ? À quel prix ?
Parce qu’il résonne avec notre époque : Crises, scandales, défiance envers les élites… Le film nous tend un miroir troublant.
Une œuvre à (re)découvrir
Stavisky n’est pas un simple biopic. C’est une plongée dans les zones grises de l’histoire, un film élégant, subtil, porté par la musique envoûtante de Stephen Sondheim et la performance nuancée de Belmondo. Il invite le spectateur à s’interroger : et si, derrière chaque scandale, se cachait une part de nous-mêmes ?
Osez regarder Stavisky. Laissez-vous troubler. Et demandez-vous: qui manipule qui ?
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