Williamsburg redécouvre son passé : les vestiges de l’école Bray révélés

 Des archéologues exhument l’école Bray de Williamsburg : un pan oublié de l’histoire afro-américaine ressurgit en Virginie

En Virginie, des archéologues viennent de mettre au jour les fondations presque intactes de la Williamsburg Bray School, considérée comme la plus ancienne école pour enfants noirs des États-Unis. Fondée dans les années 1760, à une époque où la culture du tabac structure l’économie et la société esclavagiste de Virginie, cette institution a offert, pendant quatorze ans, un accès inédit à l’instruction à des enfants majoritairement esclaves, dans une Amérique où leur éducation était loin d’être un droit.

Histoire, Histoire des États-Unis, Mémoire de l’esclavage

Un projet missionnaire au cœur de l’esclavage

Appelée à l’époque « Negroe School » ou « Charity School », la Bray School était soutenue par les Associates of Dr. Bray, une société missionnaire anglicane basée à Londres. L’objectif affiché par ses fondateurs était avant tout religieux et paternaliste : il s’agissait d’enseigner aux enfants noirs les principes de l’anglicanisme, de leur apprendre à lire à travers les textes religieux, et de les rendre « plus utiles » à leurs maîtres. Si cette démarche s’inscrivait dans une logique de domination, l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et de compétences pratiques comme la couture a pu, pour certains élèves, ouvrir la voie à une forme d’autonomie ou de transmission de savoirs au sein de leur communauté.

Des vestiges qui parlent : objets du quotidien et traces de transmission

Les fouilles, menées dans le cadre d’un projet de rénovation de l’université William & Mary, ont révélé non seulement les fondations de l’école, mais aussi une cave contenant des artefacts pluriséculaires : fragments de crayons d’ardoise, bijoux, céramiques artisanales associées aux communautés autochtones et esclavagées, et un éclat de verre représentant Minerve, déesse de la sagesse. Ces objets témoignent de la vie quotidienne des élèves et de la diversité des influences culturelles au sein de l’établissement. La découverte de près de 50 fragments de crayons d’ardoise, un record pour Williamsburg, suggère que l’écriture occupait une place centrale dans l’enseignement, bien au-delà de la simple récitation biblique.

Un bâtiment aux multiples vies, une mémoire retrouvée

Après la fermeture de l’école en 1774, l’édifice fut converti en résidence privée, puis intégré au campus universitaire, servant même de dortoir pour les premières étudiantes méthodistes dans les années 1920. Chaque transformation a laissé des traces, mais c’est la redécouverte de ses fondations qui permet aujourd’hui de reconnecter la ville et l’université à leurs racines profondes. Les chercheurs s’efforcent désormais de retrouver les descendants des anciens élèves, pour que cette mémoire ne soit plus jamais enfouie.

Pourquoi cette découverte interpelle-t-elle notre époque ?

À l’heure où les débats sur la mémoire de l’esclavage et la place des Afro-Américains dans l’histoire américaine restent vifs, la résurgence de la Bray School met en lumière un chapitre trop souvent occulté : celui de la soif de savoir et de dignité face à l’oppression. Ces murs, exhumés du passé, rappellent que l’éducation fut – et demeure – un acte de résistance, porteur d’espoir et de transformation sociale, même lorsque l’intention initiale était de perpétuer l’ordre établi.

La voix des enfants de la Bray School, réduite au silence pendant des siècles, résonne aujourd’hui avec une force nouvelle. À nous de l’écouter, et de transmettre à notre tour ce pan essentiel de l’histoire américaine.

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