Newgrange et le mystère de NG10 : entre mythe royal et réalité communautaire

 Newgrange, 3200 avant notre ère

Le tumulus se dresse, massif, sous le ciel gris de la vallée de la Boyne. Les pierres blanches scintillent à l’aube, témoins silencieux de rituels oubliés. Autour du monument, la communauté s’affaire : femmes, hommes, enfants participent à la vie quotidienne — entre préparation de la nourriture, taille de la pierre et travaux agricoles. Cette scène, bien que vraisemblable pour le Néolithique, s’appuie sur des reconstitutions générales issues de sites comme Skara Brae ou Çatalhöyük, et non sur des preuves directes liées à Newgrange.

Archéologie, anthropologie

Au cœur de la tombe, parmi des ossements mêlés et déplacés au fil des siècles, les archéologues retrouvent les restes d’un homme, nommé NG10. Des récits ont longtemps suggéré qu’il aurait été inhumé dans la chambre centrale, réputée prestigieuse. Mais les fouilles ont révélé que ses ossements ont été fragmentés, déplacés et mélangés avec d’autres restes humains et animaux au fil du temps, probablement en raison de rituels successifs ou de perturbations naturelles. La localisation exacte de son inhumation ne peut être confirmée.

Des millénaires plus tard, ce fragment de crâne intrigue les chercheurs. En 2020, l’analyse de son ADN révèle un secret rare : NG10 est issu d’une union incestueuse de premier degré, entre frère et sœur ou parent et enfant. Cette découverte fait sensation. Certains chercheurs avancent alors l’hypothèse d’une élite néolithique pratiquant l’inceste pour préserver une lignée sacrée, à l’image des pharaons d’Égypte. Avec sa taille monumentale et son orientation solaire, Newgrange devient le symbole d’une royauté oubliée.

Mais la réalité scientifique est bien plus nuancée. En 2025, des études approfondies publiées dans Antiquity analysent l’ADN de plus de 160 individus issus de tombes à couloir en Irlande et Grande-Bretagne. Résultat : NG10 reste le seul cas connu d’inceste de premier degré. Les autres individus présentent des liens génétiques éloignés, parfois sur plusieurs générations, suggérant des regroupements communautaires et non familiaux stricts. Aucune trace d’une dynastie fermée, ni d’une lignée royale héréditaire.

Les données archéologiques soutiennent cette vision : les habitations étaient modestes, similaires entre elles, et la construction des monuments semble avoir mobilisé l’ensemble de la communauté sur plusieurs générations. Les pierres utilisées pour Newgrange proviennent de sites situés à plus de 50 kilomètres, témoignant d’un effort collectif sans preuve de centralisation du pouvoir.

L’alignement du monument avec le solstice d’hiver révèle une connaissance astronomique avancée, probablement liée à des pratiques rituelles ou spirituelles communautaires — mais rien n’indique un culte royal ou élitaire.

« Toutes les preuves pointent vers une éthique beaucoup plus collective. Il n’y a pas de grandes disparités alimentaires, les maisons sont relativement précaires et toutes similaires les unes aux autres. Il n’existe pas de grands systèmes de peuplement ou de mécanismes de commerce, et nous ne constatons pas non plus de production artisanale à grande échelle, comme on le voit dans d’autres sociétés anciennes, telles que l’Égypte antique, où l’inceste était supposé être pratiqué par l’élite dirigeante. » — Pr Penny Bickle, archéologue

Ainsi, la fiction d’une élite incestueuse maîtresse de Newgrange s’estompe devant la complexité d’un passé plus nuancé. NG10, malgré la rareté de son profil génétique, ne suffit pas à écrire l’histoire d’un peuple tout entier. Il pourrait avoir été un prêtre, un chef spirituel, ou simplement un cas isolé dans une société profondément égalitaire.

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