Ravensbrück : mémoire d’un camp de l’horreur
Ravensbrück, situé à 80 km au nord de Berlin, fut le principal camp de concentration nazi destiné aux femmes. Ouvert en mai 1939, il a interné plus de 130 000 personnes, dont la grande majorité étaient des femmes de toute l’Europe occupée, mais aussi des enfants et, à partir de 1941, un camp annexe pour hommes. Le camp n’a été libéré que le 30 avril 1945, après presque six années d’existence.
La condition des femmes à Ravensbrück
Les détenues venaient d’une trentaine de pays, principalement de Pologne, d’Union soviétique, d’Allemagne et de France. Elles étaient déportées pour des motifs politiques (résistantes, opposantes), religieux ou « raciaux » (Juives, Roms, Sinti), ou encore pour des infractions de droit commun. Certaines étaient accompagnées de leurs enfants.
Le quotidien était marqué par la faim, le froid, les violences, la promiscuité et le travail forcé, notamment dans les usines Siemens ou dans les kommandos agricoles et industriels. Les journées de travail pouvaient durer de 12 à 14 heures, même pour les femmes enceintes, qui subissaient coups et brutalités sans égard pour leur état. La déshumanisation commençait dès l’arrivée : dépouillement, quarantaine, et attribution d’un matricule.
Les conditions sanitaires étaient catastrophiques, favorisant les épidémies et une mortalité élevée. Les enfants, nés ou arrivés au camp, mouraient presque tous de dénutrition ou de maladie. Les femmes enceintes étaient souvent contraintes à des avortements tardifs ou voyaient leur nouveau-né mourir peu après la naissance, principalement en raison des conditions effroyables.
Les expérimentations médicales et la terreur
Ravensbrück fut le théâtre d’expériences pseudo-médicales, notamment sur un groupe de jeunes Polonaises surnommées les « Lapins de Ravensbrück » : 74 femmes, pour la plupart étudiantes, furent victimes d’opérations chirurgicales expérimentales, dont 63 survécurent grâce à la solidarité des autres détenues. Les « Lapins » réussirent à faire passer à l’extérieur la liste de leurs noms, témoignage crucial lors des procès de Nuremberg.
Les femmes roms et tziganes furent particulièrement ciblées pour des stérilisations de masse, y compris sur des petites filles, dont la plupart ne survécurent pas aux opérations.
1945 : l’année de la mort et des marches de la liberté
Au début de 1945, Ravensbrück devient un camp d’extermination : une chambre à gaz est installée en janvier 1945 et environ 2 200 femmes y sont assassinées. Des milliers d’autres détenues sont transférées vers d’autres camps, souvent pour y mourir. Les sélections pour la mort sont quotidiennes, visant les plus faibles, les malades et les personnes âgées.
Face à l’avancée de l’Armée rouge, les SS organisent l’évacuation du camp : c’est le début des « marches de la mort ». Des milliers de femmes sont contraintes de marcher sur des dizaines de kilomètres dans des conditions effroyables, beaucoup y succombent. Au cours de ces marches, les SS n’hésitent pas à tuer celles qui sont trop faibles pour avancer, qui tentent de s’enfuir ou qui ralentissent la colonne. D’autres, restées au camp, sont évacuées vers la Suède ou la Suisse par la Croix-Rouge, grâce à des négociations menées notamment par le comte Bernadotte.
Les évadées de Ravensbrück : la fuite vers la vie
En avril 1945, alors que les gardes SS fuient devant l’avancée alliée, certaines détenues profitent de l’anarchie pour s’évader. Liées par une profonde amitié et un irrépressible instinct de survie, elles quittent les colonnes des marches de la mort, se cachent dans les bois et tentent de rejoindre les lignes alliées, marchant des jours et des nuits, affamées et épuisées, mais enfin libres. Ces évasions restent cependant peu nombreuses au regard du nombre total de détenues. D’autres, comme Germaine Tillion, parviennent à sauver des preuves des crimes nazis en dissimulant des pellicules photographiques, aidées par la solidarité entre détenues.
Après la libération
La libération du camp le 30 avril 1945 par l’Armée rouge ne met pas immédiatement fin aux souffrances : le retour est long, difficile, et beaucoup de survivantes succombent à leurs blessures ou à l’épuisement dans les semaines qui suivent. Sur les 959 femmes d’un convoi français parti en 1944, plus de 20 % n’ont pas survécu à la déportation.
Mémoire et témoignages
Des survivantes comme Germaine Tillion ou Geneviève de Gaulle-Anthonioz ont laissé des témoignages majeurs sur la vie à Ravensbrück, sur la solidarité, la résistance et la survie dans l’enfer concentrationnaire. Leur mémoire, comme celle des « évadées » et des « Lapins », reste essentielle pour comprendre la spécificité de la condition féminine dans les camps nazis.
Ravensbrück demeure le symbole de la souffrance, mais aussi de la résistance et de la solidarité féminine face à la barbarie nazie.
Commentaires
Enregistrer un commentaire