Un trésor oublié du désert : la mosaïque byzantine de Be’er Shema interpelle notre mémoire

 Imaginez fouler le sol d’un monastère perdu aux confins du désert du Néguev, au sud d'Israël, là où, il y a 1 600 ans, des moines vivaient, travaillaient et priaient au rythme du soleil et du vent. Sous vos pieds, une œuvre d’art éclate de couleurs : la mosaïque de Be’er Shema, récemment dévoilée au public après plus de trente ans d’attente, vous invite à plonger dans un passé aussi foisonnant qu’inattendu.

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55 médaillons, mille histoires

Sur 60 mètres carrés, 55 médaillons s’entrelacent, véritables fenêtres ouvertes sur la vie byzantine. Scènes de chasse, animaux exotiques, figures mythologiques, paniers de fruits, gestes du quotidien : chaque détail témoigne de la virtuosité d’un maître artisan qui a su marier pierre, verre et céramique pour donner vie à une fresque vibrante. On y croise un homme menant un éléphant, un autre jouant de l’oboé, des lions, des gazelles, des oiseaux, et même des moments d’intimité, comme celui d’une femme allaitant son enfant.

Un monastère, un carrefour, une énigme

Mais que faisait une telle merveille au cœur du désert ? Le monastère de Be’er Shema, adossé à une route caravanière reliant Gaza à l’intérieur du pays, était bien plus qu’un simple lieu de prière. Il servait de halte sécurisée pour les voyageurs, de rempart contre les incursions bédouines, et prospérait grâce à la production de vin, comme en témoignent pressoirs et entrepôts retrouvés sur place. Ici, la foi et l’économie se mêlaient, tissant un lien entre l’Orient méditerranéen et les terres arides du Néguev.

Une mémoire chrétienne effacée ?

Pourtant, un silence entoure l’histoire chrétienne du site. La mosaïque ornait le sol d’une église, comme l’attestent dix inscriptions grecques dédiées à des donateurs – y compris des Arabes convertis au christianisme – et à saint Étienne, premier martyr. Mais aujourd’hui, le discours officiel préfère insister sur le patrimoine archéologique et la beauté de l’œuvre, omettant souvent son ancrage religieux. Faut-il voir là un oubli, ou une volonté d’universaliser ce trésor pour mieux le partager ?

Un héritage vivant

La mosaïque de Be’er Shema n’est pas qu’un vestige figé du passé. Elle interpelle : qu’avons-nous fait de notre mémoire collective ? Pourquoi certains pans de notre histoire sont-ils relégués dans l’ombre ? Alors que ce joyau est désormais exposé au Conseil régional de Merhavim, il invite chacun à redécouvrir la richesse et la complexité de notre héritage, à questionner nos silences, et à célébrer la rencontre des cultures qui a façonné la terre d’Israël.

Osez franchir le seuil du temps : la mosaïque de Be’er Shema vous attend, témoin muet mais éclatant d’un monde où l’art, la foi et la vie ne faisaient qu’un.

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