Le 20 septembre 1908, un drame s’est joué dans les eaux tumultueuses de l’Alaska, loin des projecteurs et de la mémoire collective. Le Star of Bengal, imposant trois-mâts de fer, quittait Wrangell pour rejoindre San Francisco, transportant plus de 130 personnes et des milliers de boîtes de saumon. Mais ce voyage de routine tourna au cauchemar, devenant l’une des pires catastrophes maritimes du Grand Nord.
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| Les Canards de l'Info : des révélations qui font des vagues ! |
À bord, la société du début du XXe siècle se reflète dans la répartition des espaces et des rôles. Les travailleurs asiatiques—chinois, japonais, et, plus tard, philippins—sont logés dans des quartiers séparés, souvent exigus et précaires. Ils sont la force invisible de l’industrie du saumon, cantonnés aux tâches les plus dures, tandis que les membres blancs de l’équipage occupent des postes d’encadrement et des conditions de vie meilleures. Il ne s’agit pas d’un enfermement strict, mais d’un isolement structurel, qui les rend plus vulnérables en cas de drame.
Lorsque la tempête éclate, le Star of Bengal est remorqué par deux petits bateaux, le Kayak et le Hattie Gage. Les conditions météorologiques se dégradent rapidement. Face à la violence des éléments, les remorqueurs sont contraints de couper les câbles pour sauver leurs propres équipages. Ce geste, dicté par la nécessité et non par la négligence, laisse le navire à la merci des vagues. Le Star of Bengal s’écrase sur les rochers de l’île Coronation. La panique s’installe, et les travailleurs asiatiques, déjà isolés, sont les plus exposés. Sur les 138 personnes à bord, 110 perdent la vie, dont 96 travailleurs asiatiques, selon les sources historiques les plus fiables.
Après la catastrophe, la différence de traitement entre victimes est flagrante. Les corps des travailleurs asiatiques sont enterrés dans une fosse commune, anonymes et oubliés, tandis que les membres blancs de l’équipage reçoivent des sépultures individuelles. Cette distinction raciale, bien attestée, illustre les profondes inégalités de l’époque.
Plus d’un siècle plus tard, l’épave du Star of Bengal refait surface. Des plongeurs et des archéologues explorent les restes du navire et ramènent à la lumière la cloche du navire, symbole d’un passé douloureux. Ce travail de mémoire permet de rendre hommage aux victimes trop longtemps ignorées.
La tragédie du Star of Bengal n’est pas seulement une histoire de tempête et de naufrage. C’est une histoire de courage, d’injustice, et de mémoire oubliée. Elle invite à se souvenir de tous ceux qui, dans l’ombre, ont contribué à bâtir l’histoire, sans jamais recevoir la reconnaissance qu’ils méritaient.

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