Les mystères du désert de Bayuda : 1 200 sites qui réécrivent l’histoire

 Imaginez un paysage aride, balayé par des vents chauds, où les montagnes de sel émergent comme des îles dans un océan de sable. C’est ici, au cœur du désert de Bayuda, que des archéologues polonais ont mis au jour plus de 1 200 sites archéologiques, réécrivant l’histoire de l’Afrique de l’Est. Parmi ces découvertes, la montagne de sel de Jebel El-Muwelha, ou « Montagne de Sel », occupe une place centrale. Elle témoigne d’un commerce oublié, celui du natron (1) , un minéral précieux utilisé dans l’Égypte antique pour la momification et la fabrication du verre.

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Mais remontons encore plus loin dans le temps. Avant que les caravanes ne sillonnent le désert, bien avant l’émergence des grands empires, les premiers humains façonnaient déjà des outils de pierre. L’industrie Oldowan, la plus ancienne connue à ce jour, apparaît il y a environ 2,6 millions d’années. Ces outils rudimentaires, simples galets éclatés, permettaient de couper, de racler, de trancher la viande et le bois. Ils ont révolutionné la vie de nos ancêtres, leur donnant accès à de nouvelles ressources et jetant les bases de la culture humaine.

Dans la région de Jebel El-Muwelha, la découverte de dépôts de natron (1) change notre compréhension des échanges entre le Soudan et l’Égypte. Le natron, rare et précieux, était acheminé sur des routes commerciales parfois oubliées, reliant les terres volcaniques du Bayuda au Nil et au-delà. Ces routes n’étaient pas de simples pistes, mais des réseaux complexes, animés par des marchands qui parcouraient des distances impressionnantes pour approvisionner les ateliers de momification et les artisans du verre.

Que nous disent ces découvertes ? Que le désert, souvent perçu comme une barrière, a été un lieu de rencontres, d’innovations et d’échanges. Que les premiers outils de pierre, aussi simples soient-ils, ont permis à l’humanité de conquérir de nouveaux espaces et de s’adapter à des environnements hostiles. Que l’histoire du Soudan et de l’Afrique de l’Est est bien plus riche et complexe qu’on ne l’imaginait.

Aujourd’hui, chaque caillou taillé, chaque montagne de sel, chaque fragment de poterie retrouvé dans le désert nous invite à repenser notre passé. Et si, au-delà des trésors enfouis, c’était la curiosité et l’ingéniosité humaines qui constituaient la plus grande richesse de l’humanité ?


1) Le natron est un minéral naturel composé principalement de carbonate de sodium décahydraté (Na₂CO₃·10H₂O), souvent associé à du bicarbonate de sodium (NaHCO₃), du chlorure de sodium et du sulfate de sodium. Il se forme par évaporation dans les lacs salés des régions arides ou semi-arides, où il apparaît sous forme de croûtes ou d’efflorescences blanches à grisâtres, parfois jaunâtres selon les impuretés.

Depuis l’Antiquité, le natron a été utilisé pour de nombreux usages essentiels : momification des corps en Égypte ancienne, fabrication du verre et de la céramique, médecine, agriculture, nettoyage et même comme agent de blanchiment des textiles. Son nom vient de l’arabe natrun, qui désigne le sel gemme, et il est à l’origine du symbole chimique du sodium (Na).

Le natron est fragile, très soluble dans l’eau, et se déshydrate facilement à l’air sec, se transformant alors en thermonatrite. Il reste un minéral emblématique de l’histoire des sociétés anciennes, notamment en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.

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